Il y a les femmes qui ont des formes et… il y a les autres. Mais quoi les autres ? C’est une phrase que je lis souvent ces derniers temps. Bien trop souvent pour que je passe à côté sans broncher et que je ne dise finalement rien. C’est après une énième lecture de commentaires Facebook postés sous une publication parlant de la morphologie d’une femme que j’ai fini par ressentir un certain gros ras-le-bol qui m’a poussé à enfin venir en parler sur le blog. Cette publication en question était cette fois celle de photos artistiques en clair obscur d’une femme nue, visiblement très athlétique, où son ossature, comme pour toute photo de ce genre, était mise en valeur par un jeu d’ombres et de lumières.
Évidemment en dessous les personnes y sont chacune allées de leur petite remarque, je vous ai fait un best-of juste pour le plaisir (en y laissant évidemment les fautes) : « y’a que des os, autant regardé un livre de paléontologie XD » (trop drôle xDDD), « C’est quoi ces sacs d’os ???? » (visiblement une personne qui découvre que pour tenir debout on a besoin d’os…), « bcp d’os non ? » (très exactement 206, oui ça fait beaucoup !), « jolie mes osseux sa coupe tous le charme de la femme » (on en revient au fameux « les vraies femmes ont des formes » pas de commentaire sur les fautes affreuses) et enfin un petit dernier pour la forme « Nouvelle campagne contre l’anorexie ou quoi ? » (je sais plus quoi dire là).
Depuis quelques années, je prête de plus en plus plus attention au regard que l’on porte sur les différentes morphologies et sur les avis, qui ne devraient pas exister, qui sont émis par divers individus. Très souvent ces avis sont assez peu flatteurs et encore moins indulgents : si tu es gros, tu l’as choisi, si tu es maigre également. De mon point de vue, toutes ces remarques semblent être formulées dans l’unique but de créer un « clan des gros » (= personnes qui l’ont choisie en se gavant à longueur de journée) contre le « clan des maigres » (= personnes malades voire forcément anorexiques et/ou qui se font vomir). J’imagine que chaque personne laissant un commentaire comme ceux vus plus tôt ne pense pas forcément à tort et pourtant, le résultat est le même : une personne passant par là pourra s’en retrouver blessée.
Ces fameux clans, c’est en tout cas ce que cela m’inspire : au lieu de travailler sur une certaine acceptation de soi et de l’autre, j’ai la constante impression à travers ces divers commentaires que pour se sentir mieux dans son propre corps et pour pouvoir l’accepter tel qu’il est, avec tous les petits complexes qu’il puisse nous donner, il est nécessaire d’aller taper plus fort encore sur le corps des autres et encore plus lorsqu’il est radicalement différent. C’est là que se forme ce fameux « clan des gros » versus « clan des maigres ». Mais à quoi bon insulter les gens ayant l’air physiquement différents pour essayer de se sentir mieux, au lieu de se regarder, s’occuper de soi et devenir quelqu’un de meilleur qui n’aurait plus le jugement aussi facile ?
Mettons-le en situation : je ne me permettrais jamais de dire ici « je préfère être maigre plutôt que d’être un gros tas ». Cette phrase là serait évidemment très mal reçue, parce que ça ne se dit pas puisque c’est tout simplement un jugement si dur que je me ferais du coup forcément lyncher, et pourquoi ça ? Parce que cela relève de la méchanceté gratuite et que même si je ne parle que de moi-même dans cette phrase, je m’appuie sur un contraire qui existe pour me réconforter. Pourtant c’est vrai que je complexe sur ma propre condition, de la même façon qu’une personne en surpoids pourrait également complexer. Et pas parce que la société lui a dit qu’elle se devait d’être complexée mais parce qu’elle et elle seule peut être la personne qui saura ce qu’elle a envie d’être en prenant en compte ses forces et faiblesses. Car l’intérêt est là, gros, maigre ou que sait-je encore, l’intérêt est de pouvoir mieux s’accepter pour soi et pas parce qu’on nous demande de le faire pour correspondre à des standards.
Mais alors lorsque je lis « Je préfère avoir des formes plutôt que d’être un sac d’os » bien souvent les commentaires acclament ces phrases énoncées, surenchérissent et approuvent totalement, tête baissée, sans faire la part des choses et voir que ça aussi, c’est injuste et méchant. Le pire, je crois que c’est bien ce fameux « les vraies femmes ont des formes », que, quoi ? Donc les autres, celles qui sont minces, que sommes-nous ? Des alligators ? Ces phrases, je les trouve aujourd’hui toujours aussi dures à lire. Pourtant on y est habitué, on le sait bien que quoi que l’on fasse, notre physique ne correspondra jamais à ce qu’il faut être pour rentrer sagement dans un moule. Elles sont si faciles à énoncer que l’on oublie même le simple fait que derrière, une personne existe avec un vécu, un passé et des émotions. Que cette enveloppe corporelle n’en est pas juste une. Naïvement, j’ai parfois du mal à saisir comment l’on peut être assez étroit d’esprit pour ne pas faire le rapprochement entre ce qui est clairement une insulte lorsque l’on fait une réflexion sur le physique de quelqu’un et ce qui est prôné comme une simple remarque. Je sais pourtant à quel point il est difficile d’être « en surpoids » aujourd’hui, certainement plus que d’être maigre. Pourtant les remarques, bien qu’étant différentes, portent sur les mêmes critères : le fait qu’il y a un souci avec la corpulence de quelqu’un et que ce quelqu’un ne devrait pas être comme ça, que ce n’est pas normal.
Spoiler alert : tu es gros = tu es maigre.
Ce ne sont pourtant que des termes pour décrire une morphologie et pourtant aujourd’hui, on ne peut ignorer le fait que ce sont deux termes fortement connotés qui peuvent faire mal selon la sensibilité d’autrui et qui sont très généralement utilisés pour heurter. Pour ma part, j’ai souvent entendu des « oh t’es maigre ! » doublés de mains s’agrippant à mes poignets pour en juger la circonférence assez réduite (en plus d’être hallucinant de manque de savoir-vivre, niveau intrusion physique le level est haut dans ces cas là. Vous vous imaginez attraper le bourrelet d’une personne en beuglant « OH MAIS C’EST QUE ÇA DÉPASSE ÇA LÀ » ? Bah non…). Ces réactions n’avaient donc pas toujours pour but de faire mal mais pourtant, le fait est qu’à force les mots sont durs à recevoir. Que ce soit dit consciemment ou non, remarquer une différence chez l’autre et s’en servir pour se différencier de cet autre crée un réel fossé qui est si cruel que lorsque l’on met la situation à plat ça en devient tellement flagrant qu’il est impossible de penser que l’un est pire que l’autre. Les vécus sont différents mais les mots restent tout aussi durs.
[bctt tweet= »Que l’on soit gros ou maigre, nous restons des personnes avec nos propres faiblesses. via @LaMouetteBlog »]
Aujourd’hui je me pose alors cette question : à quoi bon ? Nous avons tous et toutes nos complexes (car tout ceci vaut pour les hommes comme pour les femmes : un homme ne doit pas forcément être bodybuildé et ne doit pas avoir des mensurations correspondant à celles des mannequins h&m ayant le teint blafard et l’œil terne), nous sommes tous différents et quoi que l’on en dise, ça ne sera jamais chose aisée que de s’accepter entièrement avec tout ces petits détails que l’on considère comme étant des défauts.
À nos yeux ils peuvent être des défauts, mais aux yeux de plein d’autres personnes ils sont simplement des petits détails qui font que l’on est nous. Ces fameuses rondeurs que vous avez tant de mal à accepter, peut-être que la personne à côté de vous rêverait de les avoir et inversement, ces jambes trop longues et fines que votre voisine déteste chez elle vous aimeriez tant les lui voler. Chacun a ses nuances qui font que vous êtes vous et non quelqu’un d’autre. Pour ma part par exemple, je rêverais d’être un peu plus petite, d’avoir plus de joues, plus de cuisses et des bras un peu plus dodus. Et j’ai beau me goinfrer à chaque repas, rien n’y fait, l’aiguille de la balance (bon, elle est numérique donc ça marche pas) ne bouge pas d’un pouce, il faut donc bien que j’accepte ma condition.
Pourtant, rien ne sert d’aller taper sur l’autre qui lui aussi a sûrement ses faiblesses et qui même s’il est différent n’en est pas moins riche intérieurement. Nous ne sommes pas juste une enveloppe corporelle, nous nous cachons parfois autant que l’on peut derrière une force morale que l’on a tous formée à plus ou moins grande échelle et qui nous permet de lutter contre toutes ces critiques portées à notre égard ou à l’égard d’une majorité à laquelle nous nous rattachons. Peut-être que cette personne que vous jugez tant sur son physique a accompli des choses incroyables au sein de sa vie et qu’elle aurait tant à vous apprendre que vous passez à côté d’une richesse infinie ?
Que l’on soit gros, maigre ou que sais-je encore, nous restons des personnes qui peuvent parfois être atteintes par des mots laissés ici et là et qui sont parfois bien plus douloureux que ce que l’on aurait pu s’imaginer. Alors au lieu de pointer du doigt les différences de l’autre qui nous dérangent, pourquoi est-ce que l’on ne remarquerait pas celles que l’on apprécie pour enfin réussir à s’accepter et accepter les autres tels qu’ils sont et non comme on voudrait qu’ils soient ?
Je fais 1m70, je pèse 48 kilos et non, je ne suis pas un homme.