• Vendredi 13

    Vendredi 13

    En janvier dernier, je me rappelle encore du moment où j’ai entendu le mot attentat : j’étais à une terrasse à Rennes, mon café refroidissant lentement alors que je ne réalisais pas ce qu’il était en train de se passer. J’avais la sensation que partout autour de moi tout s’était transformé en coton, que ce n’était pas vraiment réel, j’avais envie de secouer les gens dans la rue, leur demander ce qu’il se passait, leur demander si ce n’était pas une mauvaise plaisanterie, leur demander pourquoi personne ne disait rien. Je me sentais comme une enfant perdue au milieu d’une foule. Je tenais mon téléphone en tremblant, en larmes, tandis que je n’arrivais pas à expliquer à mon père ce qu’il venait d’arriver à quelques centaines de kilomètres de là. Je ne pouvais pas croire ce que mon flux d’actualité déroulait sous mes yeux. Des personnes venaient d’échanger contre leur volonté leur liberté contre la mort, tout ça pour rien. Pour rien du tout. J’étais effrayée de voir que j’étais naïve, que nous l’étions tous : que nous n’étions pas à l’abri de tout ça, que les rues n’étaient pas des endroits où l’on était forcément en sécurité. Et puis les jours ont passé… nous semblions tous un peu sonnés de ce qu’il s’était passé. Notre liberté venait d’être entachée et nous en avions été les spectateurs, bras ballants, sans rien pouvoir faire.

    J’aurais aimé que ce vendredi 13 soit un jour oublié, un jour sans rien de spécial, un jour qui ne veut rien dire, un vendredi 13 où les gens allaient au Loto, espérant gagner un sacré paquet d’argent, se raccrochant à des superstitions auxquelles on essaie tous de croire parfois, parce qu’au fond on aime tous croire à des choses qui n’ont pas trop de sens. C’était un soir de week-end, un de ces soirs que l’on aime tant : deux jours de liberté nous sont offerts, deux jours qui nous appartiennent et avec eux, la chaleur de notre chez-nous, celle des bars et des lieux de fête, entourés de nos proches. Je ne pensais pas devoir espérer que ce mois de novembre que j’aime tant, celui qui précède décembre, celui qui annonce les fêtes, la joie et les odeurs de vin chaud reste comme il est d’habitude.  Aujourd’hui, je me rappellerai pourtant une nouvelle fois de la scène qui se déroulait lorsque j’ai une fois de plus lu le mot attentat. Ce mot qui me semblait déjà loin et pourtant encore si proche. J’avais eu une pensée triste le jour même en apprenant les attentats au Liban j’avais repensé à janvier et m’étais dit que là bas aussi, l’horreur était perpétrée. Triste hasard, ce vendredi 13 c’est un verre de vin à la main, un camembert tout juste gagné au Trivial Pursuit que je me suis dit « non, pas encore ». Cette fois là ce ne sont plus des symboles, des personnes représentant des symboles, qui ont été attaqués mais c’est une seule et unique chose : notre seule liberté de vivre, de rire.

    Aujourd’hui comme ce 7 janvier dernier, je n’arrive pas à comprendre, il est d’ailleurs impossible de comprendre. Une nouvelle fois j’ai eu peur et j’ai peur. L’effroi ne me quitte pas et même s’il faut rester fort, rester unis, je ne peux qu’être comblée de tristesse face à ce monde qui se déchire. Tous ces avis de recherches se muant en avis de décès me nouent l’estomac. Hier je me suis recroquevillée sous mes draps, effrayée par la mort et ses lettres froides. Effrayée par cette cruauté et par ce futur dont je ne veux pas, dont on ne veut pas, dont personne ne veut et dont personne n’ayant un coeur ne peut vouloir. De quoi sera fait demain ? Aujourd’hui plus que jamais, il est nécessaire d’instruire, d’éduquer, de parler. De ne surtout pas laisser la haine s’installer, cette haine qui détruit tout sur son passage, qui change des personnes en des êtres sans âme et qui tuent sans émotion. Protégez-vous, que vous soyez athée ou bien croyant, rien de tout ça n’est de notre faute. Parlez, surtout parlez, utilisez vos mots et utilisez-les biens. C’est une richesse infinie que nous avons en nous et que ces mots soient maladroits ou non, c’est à nous de construire le monde de demain. Même si aujourd’hui ce monde là nous semble bien trop dur, il n’est jamais trop tard et il ne le sera jamais tant que nous nous battrons. Je n’ai plus les mots.

    J’adresse mes plus sincères condoléances à toutes les personnes ayant perdu un être cher hier et à toutes celles ayant un proche blessé ou qui n’a pas encore été retrouvé. Gardez courage, restez entourés et soyez fort, la vie est cruelle mais elle peut être si belle, ne l’oubliez jamais. Je vous embrasse.

    « Ce qu’on apprend au milieu des fléaux
    c’est qu’il y a chez l’Homme
    plus de choses à admirer qu’à mépriser »
    A. Camus

  • Soupe à l’oignon et mémoires lointaines

    Il y a ces moments qui nous rappellent des souvenirs, des moments associés à des odeurs qui sont elles-même associées à des images. Des images parfois un peu brumeuse, parfois un peu lointaines mais qui lorsque l’on y pense nous ramènent l’exact sentiment que l’on avait pu éprouver à cet instant précis. À ce moment là, ce jour là ou bien cet âge là et qui bien souvent est encore plus fort lorsqu’il appartient à notre enfance. Lorsque l’on regardait alors encore nos parents faire sans trop pouvoir toucher aux couteaux parce qu’un mouvement trop maladroit risquerait de nous blesser ou que du haut de notre toute petite taille, notre nez atteignait à peine le plan de travail où les ingrédients de la recette pleine de ces odeurs prenaient alors forme pour créer ce qui allait être plus tard un doux souvenir.

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  • La pilule, c’est fini

    Bêtement, j’ai réalisé récemment que j’avais un espace à moi, quelque part sur le web (là où vous vous trouvez à cet instant sans quoi vous ne pourriez me lire) où je pouvais dire et raconter ce que je voulais. Parler de la couleur de mes chaussettes comme de la dernière recette essayée, de mes opinions les plus fortes comme du tout dernier produit cosmétique acheté, parler de choses considérées comme parfois futiles comme d’autres un peu plus sérieuses, en bref : un espace presque sans limite que je peux exploiter comme je l’entends. Tout cela pour quoi ? Pour vous parler aujourd’hui d’un sujet un peu plus sérieux qui je sais interroge beaucoup de personnes, principalement des femmes, je veux parler de la pilule.

    Après plus de 5 ans de prise de pilule (la Trinordiol puis son générique, la Daily Gé) sans aucun questionnement de la part de mon médecin traitant à l’époque ni même tests sanguins pour vérifier que je pouvais la prendre (ou non) (je l’ai prise au tout départ pour avoir un cycle beaucoup plus régulier) et beaucoup de soucis chaque mois, principalement liés à mon humeur beaucoup trop changeante et presque incontrôlable (crises de larme devant le frigo vide, perte totale de motivation et manque de confiance en moi bien plus conséquent que d’habitude, plein de choses sympa en somme), j’ai fini ces derniers mois par doucement me questionner sur cette petite pilule prise chaque soir à 20h30 précise. Était-elle aussi anodine que sa jolie couleur pastel pouvait le suggérer ? Il faut dire que cette pilule, quel que soit son nom, on la donne (on la donnait ?) de façon assez aléatoire, sans réellement parler des potentiels effets secondaires comme tout médicament peut avoir, de la façon dont il faut la prendre, pourquoi elle peut convenir à quelqu’un et ne pas convenir à d’autres… autant de choses qui pourtant ne m’ont jamais été suggérées et qui ne semble jamais l’être non plus pour beaucoup d’autres personnes. C’était il n’y a pas si longtemps, pourtant, « à l’époque » on n’en avait pas encore entendu parler de ces fameux scandales apparus en 2013, pointant du doigt les pilules et surtout, les pilules de 3ème et 4ème génération. Alors on prescrivait un peu au hasard, c’est en tout cas l’impression que j’ai en y repensant. Les rares fois où j’ai pu évoquer mes propres questions à divers médecins, évoquant alors mon mal-être mensuel, les seules réponses auxquelles j’avais alors le droit étaient de l’ordre du « détendez-vous, reposez-vous, mangez-bien ». Mais tout ça, je le faisais déjà, alors pourquoi est-ce que chaque mois, pendant une semaine, mon moral était à ce point bas sans que je ne puisse rien y faire ? Pourquoi ne prenait-on pas au un tant soit peu au sérieux ces fameux SPM (pour Syndromes Prémenstruels, Nepsie a d’ailleurs fait une illustration très claire à ce sujet sur son blog) ? Était-ce parce que « tout le monde en a et qu’on a pas trop le temps de faire du cas par cas » ? Devons-nous alors accepter notre condition et déprimer sans broncher, pour rien, pendant une semaine, 12 fois par an ? C’est tout de même assez énorme comme durée lorsque l’on additionne toutes ces semaines entre elles.

    J’ai alors décidé en juillet dernier de tout bonnement l’arrêter, d’essayer de voir ce que ça allait faire de ne plus prendre aucune hormone de synthèse chaque soir et ce pendant quelques mois. Il est conseillé de réduire progressivement le dosage en prenant chaque pilule chaque soir puis en diminuant : une pilule sur deux, puis trois jusqu’à temps d’arrêter totalement et de ne plus toucher du tout à votre plaquette. Personnellement, j’en avais tellement marre d’être à ce point touchée chaque mois que j’ai arrêté totalement d’un coup. Ce n’est sans doute pas la bonne chose à faire, je vous conseille donc d’y aller progressivement : on parle tout de même d’un médicament et si vous le pouvez, discutez-en avec votre médecin (le mien est parti à la retraite et la dernière fois que je l’ai vu, il m’a dédaigneusement dit que j’aurai le cancer à 30 ans quand il a appris que j’avais refusé de faire le Gardasil, ambiance. Je passe les détails sur le reste de la consultation qui a terminé de me faire flipper à jamais des spécialistes des femmes). Cependant je ne regrette pas, loin de là ! Je m’étais énormément renseignée et avais bien sûr lu qu’il pouvait y avoir des effets secondaires, c’est évident. Pour ma part, ils ont duré un bon mois : j’ai été très énervée, plus sensible que d’habitude (c’est-à-dire BIEN plus sensible que d’habitude, ce qui est du coup pas mal) avec des sautes d’humeur assez désagréable. Physiquement, et c’est là que j’attendais le plus de voir si ça allait changer quelque chose, je n’ai rien eu, à part des crampes insoutenable pendant quelques heures un seul soir (je suis allée aux urgences tant elles devenaient insupportables). Mais depuis, plus rien. Je n’ai aujourd’hui absolument plus d’effets secondaires, en tout cas pas d’effets secondaires notables et assez flagrants pour qu’ils soient pénibles. J’attends tout de même les prochains mois pour voir si par exemple il y aura un changement au niveau de ma peau ou de mon poids : je n’ai jamais eu d’acné, peu de soucis de boutons et autres joyeusetés, je croise donc les doigts pour que cela ne change pas, je surveille également une éventuelle perte de poids (ou prise de poids, un miracle ?). Côté humeurs chaque mois, j’ai l’impression que ça va mieux : je reste très sensible (je le suis naturellement) mais beaucoup moins et plus au point de pleurnicher devant mon frigo, touchée par le fait qu’il n’y a plus de truc assez chouette à manger dedans à me mettre sous la dent (j’en arrivais là… et après on nous dit que ce ne sont « que » des hormones). Évidemment les quelques effets que j’ai eu lors de l’arrêt ne vous arriveront pas forcément et inversement, il se peut que cela dure longtemps et que votre corps aient du mal à se réadapter à une absence de prise de pilule. Mais pour ma part, j’ai aujourd’hui l’impression de ne plus être prisonnière de mon corps chaque mois et n’ai plus, ou presque plus, cette sensation de perdre totalement le contrôle sur mes émotions et pour moi c’est énorme.

    Aujourd’hui, j’ignore encore si je reprendrai un moyen de contraception plus tard. Pour tout vous dire je suis très franchement mitigée à ce sujet et ai plus envie de totalement arrêter (il y bien d’autres moyens) plutôt que de reprendre quelque chose : le stérilet en cuivre est l’alternative me semblant être la meilleure mais les témoignages au sujet de la pose par exemple m’effraient pas mal. Donc tant pis, pour l’instant je fais une pause à durée indéterminée et c’est très bien, plus d’hormones, plus de contraintes d’horaires et de peur d’avoir oublié ma pilule. Je suis ravie de ne plus entendre la petite sonnerie de mon portable, de ne pas forcément pouvoir la prendre tout de suite (ou de devoir la prendre discrètement). Évidemment l’unique conseil que je peux vous donner après tout ça, c’est de bien vous renseigner si vous l’envisagez. D’en parler à votre médecin et également d’en parler avec la personne qui partage votre vie si c’est le cas : c’est quelque chose qui vous concerne en tout premier, votre corps vous appartient et vous devez avoir le droit de faire ce que vous en souhaitez, mais cela concerne également votre entourage proche surtout si vous faites face chaque mois à des SPM qui vous rendent la vie désagréable, au moins pour leur expliquer votre démarche, avoir des conseils et être soutenue. Je trouve qu’il est extrêmement regrettable aujourd’hui que l’on prescrive la pilule de façon automatique et que l’on ne parle pas des autres moyens existant, qu’il n’y a pas que ça et que cela ne convient pas forcément à tout le monde puisque la pilule est un médicament et qu’on ne devrait pas prendre à la légère son utilisation.

    Je suis du coup assez curieuse d’avoir votre avis à ce sujet, avez-vous vous aussi arrêté ou souhaitez vous essayer ? Avez-vous des SPM aussi difficiles à gérer ? Vous en pensez quoi vous, de tout ça, de la pilule, de sa prescription quasi automatique et du manque d’écoute parfois trop courant de certains médecins ?

     

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  • Harcèlement de rue – nos mots pour se défendre


    Je crois qu’on n’est jamais préparé à se faire agresser (et on ne devrait jamais l’être) que ce soit verbalement ou physiquement, mais parfois le moral en prend un coup plus violemment que d’autres fois. Mercredi dernier je n’y étais pas préparée ou en tout cas « je ne m’y attendais pas » : j’étais un peu fatiguée, légèrement agacée par un rendez-vous qui venait de se terminer et avais de la paperasse à régler avant de pouvoir rentrer au chaud chez moi. Une journée type qui définitivement n’était pas la journée où j’étais la plus à même de laisser les évènements couler autour de moi sans que j’y prête attention. Et puis ils étaient 3 derrière moi, à me considérer comme un bout de chair et non comme une personne, à considérer que je ne méritais ni leur respect ni leur considération parce que mes jambes étaient découvertes et que j’étais une fille. Parce que rien du tout en fait. Tout simplement parce qu’ils étaient des hommes et qu’ils faisaient parti de ceux pour qui qu’aujourd’hui encore, être un homme semble leur accorder le droit d’être supérieur. L’agacement d’avant encore présent, choquée, j’ai voulu réagir, pour ne pas me laisser faire et faire comme si ils avaient gagné ce droit d’être supérieur. Quelques rires gras plus tard et un trottoir opposé rejoint, comme si la distance de la route avait créé un barrage entre eux et moi et allait m’empêcher de les entendre et eux les autoriser à continuer « mais je vous entends encore vous savez ! », des rires misérables encore et moi, tremblante de colère et les larmes aux yeux, m’enfuyant vers le magasin le plus proche et refusant un appel de mon amoureux car prête à fondre en larmes au moindre mot prononcé. J’avais eu le simple tort d’être une fille et de porter une jupe et ce tort là ne devrait même pas exister, car la rue, les routes, la ville et le monde appartiennent à tout le monde et qu’aujourd’hui en 2015, on ne devrait plus craindre d’être agressé pour ce que l’on est, que l’on soit femme, homme, gay, lesbienne, bi, trans ou bien d’une nationalité différente de celle du pays où l’on a les pieds.

    Et vous ?

    Le matin même, je lisais cet article de Louise, Sophie et Elosterv, amusant non ?

  • Les vraies femmes ont des formes

    Il y a les femmes qui ont des formes et… il y a les autres. Mais quoi les autres ? C’est une phrase que je lis souvent ces derniers temps. Bien trop souvent pour que je passe à côté sans broncher et que je ne dise finalement rien. C’est après une énième lecture de commentaires Facebook postés sous une publication parlant de la morphologie d’une femme que j’ai fini par ressentir un certain gros ras-le-bol qui m’a poussé à enfin venir en parler sur le blog. Cette publication en question était cette fois celle de photos artistiques en clair obscur d’une femme nue, visiblement très athlétique, où son ossature, comme pour toute photo de ce genre, était mise en valeur par un jeu d’ombres et de lumières.

    Évidemment en dessous les personnes y sont chacune allées de leur petite remarque, je vous ai fait un best-of juste pour le plaisir (en y laissant évidemment les fautes) : « y’a que des os, autant regardé un livre de paléontologie XD » (trop drôle xDDD),  « C’est quoi ces sacs d’os ???? » (visiblement une personne qui découvre que pour tenir debout on a besoin d’os…), « bcp d’os non ? » (très exactement 206, oui ça fait beaucoup !), « jolie mes osseux sa coupe tous le charme de la femme » (on en revient au fameux « les vraies femmes ont des formes » pas de commentaire sur les fautes affreuses) et enfin un petit dernier pour la forme « Nouvelle campagne contre l’anorexie ou quoi ? » (je sais plus quoi dire là).

    Depuis quelques années, je prête de plus en plus plus attention au regard que l’on porte sur les différentes morphologies et sur les avis, qui ne devraient pas exister, qui sont émis par divers individus. Très souvent ces avis sont assez peu flatteurs et encore moins indulgents : si tu es gros, tu l’as choisi, si tu es maigre également. De mon point de vue, toutes ces remarques semblent être formulées dans l’unique but de créer un « clan des gros » (= personnes qui l’ont choisie en se gavant à longueur de journée) contre le « clan des maigres » (= personnes malades voire forcément anorexiques et/ou qui se font vomir). J’imagine que chaque personne laissant un commentaire comme ceux vus plus tôt ne pense pas forcément à tort et pourtant, le résultat est le même : une personne passant par là pourra s’en retrouver blessée.

    Ces fameux clans, c’est en tout cas ce que cela m’inspire : au lieu de travailler sur une certaine acceptation de soi et de l’autre, j’ai la constante impression à travers ces divers commentaires que pour se sentir mieux dans son propre corps et pour pouvoir l’accepter tel qu’il est, avec tous les petits complexes qu’il puisse nous donner, il est nécessaire d’aller taper plus fort encore sur le corps des autres et encore plus lorsqu’il est radicalement différent. C’est là que se forme ce fameux « clan des gros » versus « clan des maigres ».  Mais à quoi bon insulter les gens ayant l’air physiquement différents pour essayer de se sentir mieux, au lieu de se regarder, s’occuper de soi et devenir quelqu’un de meilleur qui n’aurait plus le jugement aussi facile ?

    Mettons-le en situation : je ne me permettrais jamais de dire ici « je préfère être maigre plutôt que d’être un gros tas ». Cette phrase là serait évidemment très mal reçue, parce que ça ne se dit pas puisque c’est tout simplement un jugement si dur que je me ferais du coup forcément lyncher, et pourquoi ça ? Parce que cela relève de la méchanceté gratuite et que même si je ne parle que de moi-même dans cette phrase, je m’appuie sur un contraire qui existe pour me réconforter. Pourtant c’est vrai que je complexe sur ma propre condition, de la même façon qu’une personne en surpoids pourrait également complexer. Et pas parce que la société lui  a dit qu’elle se devait d’être complexée mais parce qu’elle et elle seule peut être la personne qui saura ce qu’elle a envie d’être en prenant en compte ses forces et faiblesses. Car l’intérêt est là, gros, maigre ou que sait-je encore, l’intérêt est de pouvoir mieux s’accepter pour soi et pas parce qu’on nous demande de le faire pour correspondre à des standards.

    Mais alors lorsque je lis « Je préfère avoir des formes plutôt que d’être un sac d’os » bien souvent les commentaires acclament ces phrases énoncées, surenchérissent et approuvent totalement, tête baissée, sans faire la part des choses et voir que ça aussi, c’est injuste et méchant. Le pire, je crois que c’est bien ce fameux « les vraies femmes ont des formes », que, quoi ? Donc les autres, celles qui sont minces, que sommes-nous ? Des alligators ? Ces phrases, je les trouve aujourd’hui toujours aussi dures à lire. Pourtant on y est habitué, on le sait bien que quoi que l’on fasse, notre physique ne correspondra jamais à ce qu’il faut être pour rentrer sagement dans un moule. Elles sont si faciles à énoncer que l’on oublie même le simple fait que derrière, une personne existe avec un vécu, un passé et des émotions. Que cette enveloppe corporelle n’en est pas juste une. Naïvement, j’ai parfois du mal à saisir comment l’on peut être assez étroit d’esprit pour ne pas faire le rapprochement entre ce qui est clairement une insulte lorsque l’on fait une réflexion sur le physique de quelqu’un et ce qui est prôné comme une simple remarque. Je sais pourtant à quel point il est difficile d’être « en surpoids » aujourd’hui, certainement plus que d’être maigre. Pourtant les remarques, bien qu’étant différentes, portent sur les mêmes critères : le fait qu’il y a un souci avec la corpulence de quelqu’un et que ce quelqu’un ne devrait pas être comme ça, que ce n’est pas normal.

    Spoiler alert : tu es gros = tu es maigre.

    Ce ne sont pourtant que des termes pour décrire une morphologie et pourtant aujourd’hui, on ne peut ignorer le fait que ce sont deux termes fortement connotés qui peuvent faire mal selon la sensibilité d’autrui et qui sont très généralement utilisés pour heurter. Pour ma part, j’ai souvent entendu des « oh t’es maigre ! » doublés de mains s’agrippant à mes poignets pour en juger la circonférence assez réduite (en plus d’être hallucinant de manque de savoir-vivre, niveau intrusion physique le level est haut dans ces cas là. Vous vous imaginez attraper le bourrelet d’une personne en beuglant « OH MAIS C’EST QUE ÇA DÉPASSE ÇA LÀ » ? Bah non…). Ces réactions n’avaient donc pas toujours pour but de faire mal mais pourtant, le fait est qu’à force les mots sont durs à recevoir. Que ce soit dit consciemment ou non, remarquer une différence chez l’autre et s’en servir pour se différencier de cet autre crée un réel fossé qui est si cruel que lorsque l’on met la situation à plat ça en devient tellement flagrant qu’il est impossible de penser que l’un est pire que l’autre. Les vécus sont différents mais les mots restent tout aussi durs.

    [bctt tweet= »Que l’on soit gros ou maigre, nous restons des personnes avec nos propres faiblesses. via @LaMouetteBlog »]

    Aujourd’hui je me pose alors cette question : à quoi bon ? Nous avons tous et toutes nos complexes (car tout ceci vaut pour les hommes comme pour les femmes : un homme ne doit pas forcément être bodybuildé et ne doit pas avoir des mensurations correspondant à celles des mannequins h&m ayant le teint blafard et l’œil terne), nous sommes tous différents et quoi que l’on en dise, ça ne sera jamais chose aisée que de s’accepter entièrement avec tout ces petits détails que l’on considère comme étant des défauts.

    À nos yeux ils peuvent être des défauts, mais aux yeux de plein d’autres personnes ils sont simplement des petits détails qui font que l’on est nous. Ces fameuses rondeurs que vous avez tant de mal à accepter, peut-être que la personne à côté de vous rêverait de les avoir et inversement, ces jambes trop longues et fines que votre voisine déteste chez elle vous aimeriez tant les lui voler. Chacun a ses nuances qui font que vous êtes vous et non quelqu’un d’autre. Pour ma part par exemple, je rêverais d’être un peu plus petite, d’avoir plus de joues, plus de cuisses et des bras un peu plus dodus. Et j’ai beau me goinfrer à chaque repas, rien n’y fait, l’aiguille de la balance (bon, elle est numérique donc ça marche pas) ne bouge pas d’un pouce, il faut donc bien que j’accepte ma condition.

    Pourtant, rien ne sert d’aller taper sur l’autre qui lui aussi a sûrement ses faiblesses et qui même s’il est différent n’en est pas moins riche intérieurement. Nous ne sommes pas juste une enveloppe corporelle, nous nous cachons parfois autant que l’on peut derrière une force morale que l’on a tous formée à plus ou moins grande échelle et qui nous permet de lutter contre toutes ces critiques portées à notre égard ou à l’égard d’une majorité à laquelle nous nous rattachons. Peut-être que cette personne que vous jugez tant sur son physique a accompli des choses incroyables au sein de sa vie et qu’elle aurait tant à vous apprendre que vous passez à côté d’une richesse infinie ?

    Que l’on soit gros, maigre ou que sais-je encore, nous restons des personnes qui peuvent parfois être atteintes par des mots laissés ici et là et qui sont parfois bien plus douloureux que ce que l’on aurait pu s’imaginer. Alors au lieu de pointer du doigt les différences de l’autre qui nous dérangent, pourquoi est-ce que l’on ne remarquerait pas celles que l’on apprécie pour enfin réussir à s’accepter et accepter les autres tels qu’ils sont et non comme on voudrait qu’ils soient ?

    Je fais 1m70, je pèse 48 kilos et non, je ne suis pas un homme.