Pour ce premier billet d’humeur de 2016 (qui est tout de même en brouillon depuis juillet dernier, d’où mes pieds bronzés et oui, je n’ai aucune honte à vous montrer mes pieds !), j’ai eu envie de prendre appui sur une conférence TED de Susan Cain intitulée The Power of Introverts dont le sujet était axé autour de l’introversion et des personnes introverties pour vous exposer un peu mon point de vue. Dans son intervention, Susan Cain parle de la difficulté d’être introverti et d’avoir besoin d’être souvent dans son « monde intérieur » pour se sentir bien et être de ce fait en phase avec soi-même. C’est quelque chose auquel je pense régulièrement : le fait d’être introvertie est parfois pour moi comme pour beaucoup d’autres personnes assez mal vécu alors que pourtant, c’est ce que nous sommes. Pourquoi alors devrait-on mal vivre une partie de nous-même ?
Selon le Larousse, la définition de l’introversion est la suivante :
“ Introversion : Tendance à se replier sur soi-même. „
Est-ce que cette définition de l’introversion n’est-elle pas un peu trop légère, trop courte et trop juste pour définir un aspect entier du caractère d’un bon nombre de personnes ? Est-ce que cela n’est pas un peu plus que ces quelques mots ?
Pour ma part sans avoir de problème quant au fait d’être sociable — je parle en effet avec plaisir avec n’importe qui pour peu que l’on me prenne au sérieux et tout au long de mes études, j’ai toujours aimé diriger des travaux de groupe pour les mener à bien — dans ma vie personnelle, je préfère cependant rester au chaud chez moi accompagnée d’une bonne série et de mon chat plutôt que d’aller festoyer jusqu’à pas d’heure des jours durant. J’ai un peu peur de poser mes questions et chercherai toujours par moi-même avant d’être confrontée au fait que je ne trouverai parfois pas la réponse toute seule. Je préfère réfléchir plutôt que m’exprimer et écouter plutôt que parler. J’ai en horreur les prises de parole en groupe car ayant toujours cette désagréable impression d’être mise à nue, jugée et scrutée sur le moindre geste, le moindre mot que je prononcerai. Aussi, j’ai toujours eu l’impression de me forcer, de me battre contre moi-même et d’aller à l’encontre de ma nature lorsque je tentais d’être un peu moins introvertie pour me calquer sur un modèle me semblant être le modèle « standard » que l’on devrait suivre… j’ai effectivement toujours grandi en entendant tout autour de moi « force-toi, cela ne peut être que positif pour toi », et si ça n’était pas le cas ? Si constamment se forcer à aller à l’encontre de ce que l’on est c’était au fond se faire du mal et heurter la personne que l’on est vraiment ? Est-ce que c’est parce qu’il faut entrer dans le moule ? Qu’être timide, un peu silencieux ne colle pas tout à fait à ce que la société toute entière nous dicte ? Je ne crois pas vraiment que cela puisse changer avec le temps : je veux dire, on ne passe pas d’un statut d’introverti à celui d’extraverti comme ça, au fil des années. L’introversion ne se guérit pas, on apprend sans doute juste à faire avec en évoluant et en ayant conscience de nos éventuelles faiblesses, un peu comme on apprend quels vêtements sont ceux qui nous vont le mieux et quels sont ceux qui ne nous vont pas. Il est vrai que je suis souvent assez perplexe face à tout cela parce que je ne m’y retrouve pas vraiment. Parce que rien ne ressemble à ce qui selon moi devrait exister et que le bien-être des individus, passant non pas à un bien-être global répondant à des normes mais à un bien-être personnel et propre à chacun, devrait être la toute première priorité à laquelle on devrait porter de l’attention, ça et leur santé, les deux allant ensemble. Et ce n’est pas le cas, ça en est bien loin même. Ah cette douce utopie d’un monde beau et gentil… mais je m’écarte un peu du sujet.
Au quotidien, une personne introvertie aura alors généralement besoin de prendre son temps, d’être dans un environnement calme et de ne pas être entourée de beaucoup de personnes. Pour ma part lorsque je suis entourée, j’ai besoin de connaître ces personnes et d’avoir eu le temps de les connaître une par une. Quand je le peux, j’aime pouvoir rentrer et apprécier le confort de mon chez-moi. Je sature vite lorsqu’il y a trop de bruit, trop de monde. J’ai un peu peur quand il y a de la foule ou que je dois être confrontée à un nouvel évènement qui surgit brutalement et je suis aussi mal à l’aise lorsque je dois tenir une conversation avec quelqu’un que je ne connais pas et qui ne m’est en rien relié : quoi lui dire, de quoi parler, est-ce que je dis des bêtises, mince j’ai encore oublié d’articuler, on me fixen est-ce que j’ai dit quelque chose qu’il ne fallait pas et qui a été mal compris ? Plein de questions qui paraissent très simples mais qui restent toujours en suspend lorsque je ressens de l’appréhension. L’étape de la discussion chez le coiffeur m’est par exemple parfois inconfortable et l’on me demande bien souvent de répéter car je parle bien trop doucement de manière générale (mais allez donc hurler lorsque l’on vous sèche les cheveux… vous faites comment vous, vous emportez un porte-voix avec vous ?) : c’est un cercle parfois sans fin puisque je suis alors gênée de ne pas réussir à parler plus fort et de devoir redire ce que j’ai dit, parfois plusieurs fois, jusqu’à temps de me faire enfin comprendre. Je ne suis pas pour autant froide, ou j’espère ne pas le paraître en tout cas : je ne rejette personne et même si je peux sembler très réservée parfois, ce n’est pas pour autant que je n’apprécie pas la personne en face mais simplement parce que oui, parfois je suis un peu embarrassée dans une nouvelle situation et que penser à cet embarras me fait l’être encore plus. C’est sans fin, non ? À tout cela s’ajoute la peur irrépressible de ne pas être aimée, bon là ça devient carrément compliqué mais j’avoue que ça ne m’aide pas vraiment plus.
[bctt tweet= »Un introverti n’est pas une personne qui n’a rien à dire mais une personne qui ne sait pas comment le dire. via @LaMouetteBlog »]
D’un point de vue plus global, la société entière semble aujourd’hui modelée pour les personnes dites ouvertes : on envoie naturellement les enfants dans des colonies, des clubs et tout un tas d’endroit où il y a du monde, beaucoup de monde, de bruit et d’interaction. On nous incite constamment à aller vers les autres, à leur parler, à participer à des évènements pour faire du lien, avoir des contacts et remplir son carnet d’adresses. Bien sûr, il est essentiel de savoir et de pouvoir interagir avec les autres, on le sait : nous nous construisons dans l’altérité et cette altérité est tellement riche de valeurs et de savoir qu’il serait insensé de se la refuser. Dans mon cas comme dans le cas de beaucoup de personnes, c’est d’autant plus important pour ma future vie professionnelle : il serait improbable d’être incapable d’avoir un dialogue si je souhaite évoluer et j’en suis particulièrement consciente, ce n’est d’ailleurs même pas quelque chose qui me pose réellement problème. Mais selon moi il est tout aussi essentiel, voire plus, de savoir interagir avec soi-même pour se connaître et faire évoluer ce que l’on est en faisant fonctionner notre imagination : imagination qui ne peut être grandie bien souvent que par des moments de calme voire d’ennui. Je me rappelle qu’enfant, mes parents m’encourageaient toujours à m’ennuyer et ne cherchaient pas forcément à me trouver des activités lorsque je venais me plaindre auprès d’eux dès que je n’avait plus d’activité. Et c’est une bonne chose. Les enfants qui s’ennuient (raisonnablement) et qui ne sont pas constamment en interaction avec les autres, développent nettement plus leur imagination, tout comme la solitude et le fait d’être de ce fait plus introverti que d’autres. Soyez-en certain : une personne introvertie n’est pas pour autant une personne qui n’a rien à dire. Bien au contraire ! Aujourd’hui dans notre société, et Susan Cain en parle bien mieux que moi, il est nécessaire de constamment prouver qui l’on est, ce que l’on vaut, pourquoi est-ce que l’on est légitime dans ce que l’on fait et pourquoi de ce fait on serait mieux qu’un autre. De constamment faire mieux, mieux que les autres et mieux que soi-même presque quitte à oublier qui l’on est vraiment au final, non ? Et cette compétition constante me dérange, car elle semble être toujours dans la surenchère, qu’il est difficile de s’accorder un peu de temps pour soi, quitte à laisser pour un temps le flot tumultueux du quotidien et risquer de perdre pied et de se faire oublier. Ce flot est très certainement lié à la surconnexion que l’on connait aujourd’hui : comment laisser un peu le quotidien de côté lorsque tout nous y rattache : notre ordinateur, notre tablette, notre smartphone… comment peut-on alors accepter de ne plus être présent pour 1, 2, 3 jours ou plus ? Tout va si vite qu’il est difficile d’accepter de manquer quelque chose même lorsque cela devient vital de relâcher un peu la pression. Je l’avais d’ailleurs évoqué dans un ancien billet où je parlais du fait d’être surconnecté.
Je regrette aujourd’hui d’être ancrée dans cette difficulté de ne pas être extravertie mais comme le fait remarquer Susan Cain dans son TED Talk, la solitude compte pour beaucoup de personnes et n’est pas forcément négative : elle est alors la possibilité de respirer, de prendre son temps et de se retrouver avec soi même pour mieux repartir ensuite dans le « vrai monde ». Elle est un monde riche qui permet de s’interroger, de se recentrer sur soi-même, de questionner des évènements qui ont pu se dérouler, voir ce qui a fonctionné… ou non. C’est un moment qui nous permet de respirer, de reprendre conscience de la situation dans laquelle on est pour ensuite mieux repartir et s’emparer de tous les évènements que l’on rencontrera par la suite. Car introverti ne veut pas dire ambitieux ni pauvre de tout projet, pour ma part je fourmille constamment d’idées et la seule chose qui puisse être un frein pour les réaliser est le manque de temps (et les journées qui ne font toujours pas 48h du coup), rien de bien compliqué en somme, juste le même problème que beaucoup de personnes rencontrent, introverties ou non. Pour autant c’est tout de même un constant travail sur soi-même pour beaucoup : lorsqu’un évènement surgit dans notre calendrier de façon inattendu, il faut alors du temps pour réussir à se convaincre que tout va bien se passer, qu’il n’est pas nécessaire d’angoisser autant et que… les gens ne vont certainement pas nous manger. Et après chaque nouvel évènement c’est alors toujours la même chose : « tu vois, finalement ça s’est bien passé », parce que oui, finalement tout se passe toujours bien, mais pas toujours de la même façon pour tout le monde :)
Et pour vous, comment c’est ?